OUVROIR DE LITTERATURE POTENTIELLE
Circulaire n° 33
COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 30 MAI 1963
PRÉSENTS : Le Lionnais, Queneau, Lescure, Duchateau, Bens, Blavier, Latis, Berge
INVITÉ : M. Schutzemberger
PRÉSIDENT : BLAVIER
Le Lionnais prend la parole le premier, comme à son ordinaire, pour rappeler que, le 15 juillet, la décade cerisyenne sur la pensée artificielle se penchera (dangereusement) sur le rapport Lescure.
M. Schutzemberger fait alors une communication essentielle sur l’amiral Riguèze.
Puis, Lescure, mis précédemment en cause réclame le nom des volontaires pour Cerisy, à fins, prétend-il, administratives et secrétariales.
Queneau réclame un tableau noir pour la prochaine séance. On le lui promet sans vergogne.
Le Lionnais parle à nouveau de l’Algol 2.
Queneau : Hécart ( ? )
LE LIONNAIS : J’aimerais parler des antirimes. Je ne sais pas bien moi-même de quoi il s’agit. Le principe consiste à trouver le phonème le plus différent d’un phonème donné. On prend alors pour rime deux phonèmes opposés.
On propose de poser la question à des spécialistes.
QUENEAU : Les uns parlent de fer, les autres de fromage.
LESCURE : On fait, actuellement, une collecte publique pour offrir son épée académique à J.P.
QUENEAU : Non : elle est close. Comme l’emprunt Giscard d’Estaing. C’est son destin.
Lescure cite quelques ancêtres de l’OuLiPo : après le texte de Valéry sur le sonnet, qui a acquis sa forme définitive grâce à S + 7, Breton subit le même sort(ilège).
Queneau fait remarquer que les travaux de l’OuLiPo ont les mêmes vertus pédagogiques que le thème latin, et que, par conséquent, celui-ci pourrait avantageusement être remplacé par ceux-là.
Latis raconte, à ce propos, une anecdote dont l’anecdote n’est pas parvenue jusqu’à nous.
LE LIONNAIS : Je voudrais faire remarquer à l’auguste assemblée que, jusqu’ici, nous avons travaillé à la fois dans l’enthousiasme et dans l’anarchie. Bien que ce ne soit pas, naturellement, antinomique, ce n’est pas souhaitable. Il serait bon que nous changeassions de méthode.
Je propose (non : je réclame) que l’on fasse l’inventaire complètement exhaustif de nos structures. Je suis persuadé qu’un tel inventaire ferait apparaître automatiquement des structures nouvelles. Par ailleurs, il nous permettrait de répondre aux questions posées par l’existence présente et future de Bruxelles, Cerisy, Liège, etc…
SCHUTZEMBERGER : C’est cela : organisez un service de dépannage permanent, de jour et de nuit…
LE LIONNAIS : Enfin, cela permettrait de donner du travail aux esclaves bénévoles.
On est donc conduit à parler de Liège. Ce qui amène le S.P. à faire remarquer que :
S.P. : Si nous avons toujours retardé notre projet de voyage, c’est que nous ne sommes pas prêts.
Remarque dont la justesse confond tous les esprits. (Car notre déformation est telle que nous ne voyons pas toujours que le Roi est nu, car, naturellement, la civilisation, peu pataphysicienne, conduit les pauvres hommes—bien pis, les malheureux intellectuels, ou prétendus tels, dans les régimes voisins du nôtre—ET LE NOTRE MEME !—à se comporter dans..)
La parole est retirée au S.P. au bénéfice du Trt Satrape qui remarque :
QUENEAU : Nous cabriolons ! Liège, Besançon et IBM. ne cabriolent pas, eux !
Remarque dont la pertinence ne l’emporte pas tellement sur les précédentes observations qui…
LATIS : Je suis le Saint-Jean-Baptiste de ce Jésus-Christ.
Remarque qui, cette fois, parvient à plonger tous les assistants dans un abattement proche de la stupeur (ou vice-versa).
Latis, enfin, parle du travail remarquable de Louis Barnier, directeur de l’Imprimerie Union et Provéditeur-Inquisiteur du Collège, sur la VACHE AU PRE NOIR du Trt Satrape Jean Dubuffet.
S.P. (insolent) : Conclusions pour Liège ?
BLAVIER : Pour cet automne !
QUENEAU : Radio ou télévision ?
BLAVIER : On ne sait pas encore.
QUENEAU : A mon sens, la télévision est nécessaire. Sinon, cela n’aura presque aucun sens. Il nous faut la vision. Sinon, tenez, j’irai même jusqu’à dire—quoique cela me fende le cœur—que je ne me déplacerai pas.
CHŒUR : Il boude ! Il boude !
BLAVIER (geste à la Mirabeau) : Vous aurez la télévision par la volonté du peuple, ou je m’en sortirai par la force des Baj honnêtes.
(Cette astuce picturale et transalpine plonge l’assistance dans un émerveillement béat.)
L’absence d’Arnaud apparaît alors comme cruelle. (Il était temps.)
BERGE : Ne pourrait-on faire jouer une pièce alphabétique par une troupe régulière, par exemple celle du Théâtre de la Monnaie ?
Puis se posent les questions d’argent.
QUENEAU : Nous sommes tous désintéressés. L’argent que nous demandons, c’est pour l’OuLiPo. Donc nous pouvons être exigeants. Je crois qu’il faut demander 500.000 balles (50.000 F.B.)
LE LIONNAIS : Je préfèrerais la formule : 300.000 + voyage et séjour.
SCHUTZEMBERGER : Ne pourriez-vous vous faire offrir les dispositifs techniques (qui risquent d’être très coûteux) par Philips ?
La discussion s’arrête sur cette interrogation grave.
La Prochaine réunion est fixée au jeudi 13 juin. On convient d’inviter M. Michel Philipot.
Y.M.
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