Compte-rendu de la réunion du 15 octobre 1963

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OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire n°38

COMPTE-RENDU DU 15 OCTOBRE 1963

PRESENTS : Le Lionnais, Latis, Queval, Queneau, Duchateau, Lescure, Berge.

ABSENTS : Bens, Schmidt, Arnaud.

INVITE : Gross.

PRESIDENT : LESCURE.

Le Lionnais accueille en termes choisis, qui émeuvent les membres présents (voir plus haut) de l’OuLiPo, Gross : mathématicien, que nous vîmes à Cerisy, attaché à l’Institut B. Pascal, spécialiste de traduction automatique.

Gross : voir appendice – annexe I  .

La serveuse : un sauté de côté pour le petit salon.

LE LIONNAIS (enchaînant) : Existe-t-il des antiphonèmes pour tous les phonèmes, et ces antiphonèmes peuvent-ils se transposer en français ?

GROSS : Oui aux deux questions.

(Exercices pratiques des secrétaires) :

A = N S T Z D

N = O A

E = M F P V B

K = I U

O = N S T Z D

N = O A

QUENEAU : Les antirimes doivent-elles rimer ?

LE LIONNAIS : Il peut y avoir deux écoles.

QUENEAU : Déjà un schisme.

LE LIONNAIS : En même temps nous fondons la religion et le schisme.

QUENEAU : Queval va fonder une secte.

LE LIONNAIS : Il faut demander à Gross d’appliquer sa méthode au français

Le Président (n’a pas le temps d’ouvrir la bouche).


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LE LIONNAIS : Il faudrait inviter Deweze le mathématicien. Il pourrait nous parler de la co-rime (ou con-rime ou corrime). La co-rime s’obtient en soustrayant un phonème au bruit blanc : la différence étant le co-phonème.

Le bruit-blanc, à l’instar du blanc fourni par toutes les couleurs, est le bruit formé par tous les sons.

Une voix (Bens peut-être) : Touslessonsysont ?

LATIS : Le bruit noir c’est le silence…

BERGE : Duchateau parle avec le bruit noir, Queval avec le bruit blanc.

Le Président (au secrétaire) : C’est noté ?

DUCHATEAU (la bouche pleine) : On…

LE LIONNAIS : Un secrétaire qui mange c’est un scandale !

Le Président : La parole à Queval pour les questions techniques.

QUEVAL : Je veux pas parler du technique, mais du rituel.

Le Président : Je te retire la parole.

QUEVAL : Je la garde, je parlerai de questions technuelles d’abord et ritniques ensuite. Il faut venger l’honneur de l’OuLiPo…

Stupeur générale.

Plusieurs voix : L’honneur de l’OuLiPo a été attaqué ?

QUEVAL : Non (Soupirs de soulagements.) Mais il est rituellement potentiellement attaqué. Il faut le venger rituellement. Je propose un dictionnaire des insultes ambiguës.

Le Président (touché de la grâce) : Ah ! mais, ah ! mais alors, peut-être bien en effet que… (suspens dans le formant) en réfléchissant Beaudin il a dit : les loupios de l’OuLiPo…

(Tout le monde est atterré.)

LATIS : A quelle occasion ?

Le Président : Sans occasion.

LATIS : Dans ce cas c’est un éloge.

Le Président : L’honneur étant sauf, je donne la parole à François Le Lionnais.

LE LIONNAIS : (Dans le compte-rendu n°36  , il est question de Verbeek). Je pense qu’il serait intéressant de demander à un peintre de talent de composer une carte-postale de L’OuLiPo qui s’inspirerait de la « méthode » de Verbeek.

QUENEAU : Il faudrait à l’envers reconnaître chacun de nous.

Une voix (intérieure) : Y compris les esclaves et cobayes potentiels.

QUENEAU : Carelman pourrait faire ça.


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BERGE : Il nous faudrait aussi l’antiphonème de l’OuLiPo.

LE LIONNAIS : Et le Co.


Le président s’est totalement désintéressé de la question, laquelle se met à porter sur le bretzel et le pantalon (que en est un).

Le Président se réveille juste assez pour donner la parole à LE LIONNAIS sur le premier point des questions rituelles.

Le Régent LE LIONNAIS adresse des félicitations à l’encontre du régent un seul « L », tout le monde proteste, sauf le Président, il l’a déjà dit la dernière fois. Le régent LE LIONNAIS précise que c’est rituel.

Une voix : L’avenir est à nous.

QUEVAL ne prend pas la parole qu’on lui donne.

DUCHATEAU s’en empare et dit : ouvrez les guillemets, Esclave, fermez les guillemets. On suppute au sujet de Mademoiselle Elbaz. La discussion devient générale et censurée. Seules surnagent quelques voix « La Démocratie s’accommode de l’anarchie des esclaves ». Aristote (et non Latis), toujours du même : des « instruments travaillent par eux-mêmes » ; Arnaud « Ah les machines »…, Alcidamas « La nature ne fait pas d’esclaves », une voix « Nous ne sommes pas la nature », Hésiode (les femmes) « Piège-précipice aux parois abruptes et sans issues ».

Une voix : « L’avenir est à nous ».

Le Président (présidant) : Michel Bernard téléphonera à LE LIONNAIS.

LATIS : Quelle a été la réaction de notre future cobaye à l’annonce de sa nomination ?

LESCURE : Il a rougi.

LATIS : Le traître.

Le Président s’étrangle, mais se rate. LE LIONNAIS en profite pour prendre la parole sur Vatican II et le problème des diacres.

LATIS : Michel Bernard pourra finir comme diacre : on lui permettra de se marier.

Le Président rappelle qu’on doit donner à Blavier les textes d’un numéro de Temps Mêlés, sur Cerisy et l’historique de l’OuLiPo. QUENEAU, Duchateau et Lescure ont remis leur texte. Manquent : LE LIONNAIS, Berge et l’esclave Leclech’.

Queneau rappelle que Berge devait rédiger un texte reprenant son intervention lors de l’exposé du Satrape sur le calcul matriciel du langage.

BERGE : Il me faut un poète pour un exemple.

QUENEAU : Un exemple ? S’il en fallait, Le Lionnais ne parlerait jamais.

LE LIONNAIS (à Berge) : Je te vois.

QUENEAU : Ils se voient.

Le Président : Berge et LE LIONNAIS se voient.

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Par acclamation, on décide d’inviter à la prochaine réunion Madame Blavier accompagnant son oulipien d’époux. LE LIONNAIS invitera M. Bernard.

La prochaine réunion est fixée au Jeudi 31 octobre, 12h30, ex-Basque.

Le Président : Cette prochaine séance sera consacrée à la préparation du tri-centenaire de l’OuLiPo.

QUENEAU : Tri-centenaire, comme W.S.

Le Président (à LE LIONNAIS) : Un bon mouvement.

LE LIONNAIS : Non

Le Président : Si

LE LIONNAIS (dans un souffle) : Si Shakespeare, je veux commentaires.

F I N

Pour les secrétaires provisoires :

Les Frères Tarots.

Texte

OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire n°38

COMPTE-RENDU DU 15 OCTOBRE 1963

PRESENTS : Le Lionnais, Latis, Queval, Queneau, Duchateau, Lescure, Berge.

ABSENTS : Bens, Schmidt, Arnaud.

INVITE : Gross.

PRESIDENT : LESCURE.

Le Lionnais accueille en termes choisis, qui émeuvent les membres présents (voir plus haut) de l’OuLiPo, Gross : mathématicien, que nous vîmes à Cerisy, attaché à l’Institut B. Pascal, spécialiste de traduction automatique.

Gross : voir appendice – annexe I  .

La serveuse : un sauté de côté pour le petit salon.

LE LIONNAIS (enchaînant) : Existe-t-il des antiphonèmes pour tous les phonèmes, et ces antiphonèmes peuvent-ils se transposer en français ?

GROSS : Oui aux deux questions.

(Exercices pratiques des secrétaires) :

A = N S T Z D

N = O A

E = M F P V B

K = I U

O = N S T Z D

N = O A

QUENEAU : Les antirimes doivent-elles rimer ?

LE LIONNAIS : Il peut y avoir deux écoles.

QUENEAU : Déjà un schisme.

LE LIONNAIS : En même temps nous fondons la religion et le schisme.

QUENEAU : Queval va fonder une secte.

LE LIONNAIS : Il faut demander à Gross d’appliquer sa méthode au français

Le Président (n’a pas le temps d’ouvrir la bouche).

LE LIONNAIS : Il faudrait inviter Deweze le mathématicien. Il pourrait nous parler de la co-rime (ou con-rime ou corrime). La co-rime s’obtient en soustrayant un phonème au bruit blanc : la différence étant le co-phonème.

Le bruit-blanc, à l’instar du blanc fourni par toutes les couleurs, est le bruit formé par tous les sons.

Une voix (Bens peut-être) : Touslessonsysont ?

LATIS : Le bruit noir c’est le silence…

BERGE : Duchateau parle avec le bruit noir, Queval avec le bruit blanc.

Le Président (au secrétaire) : C’est noté ?

DUCHATEAU (la bouche pleine) : On…

LE LIONNAIS : Un secrétaire qui mange c’est un scandale !

Le Président : La parole à Queval pour les questions techniques.

QUEVAL : Je veux pas parler du technique, mais du rituel.

Le Président : Je te retire la parole.

QUEVAL : Je la garde, je parlerai de questions technuelles d’abord et ritniques ensuite. Il faut venger l’honneur de l’OuLiPo…

Stupeur générale.

Plusieurs voix : L’honneur de l’OuLiPo a été attaqué ?

QUEVAL : Non (Soupirs de soulagements.) Mais il est rituellement potentiellement attaqué. Il faut le venger rituellement. Je propose un dictionnaire des insultes ambiguës.

Le Président (touché de la grâce) : Ah ! mais, ah ! mais alors, peut-être bien en effet que… (suspens dans le formant) en réfléchissant Beaudin il a dit : les loupios de l’OuLiPo…

(Tout le monde est atterré.)

LATIS : A quelle occasion ?

Le Président : Sans occasion.

LATIS : Dans ce cas c’est un éloge.

Le Président : L’honneur étant sauf, je donne la parole à François Le Lionnais.

LE LIONNAIS : (Dans le compte-rendu n°36  , il est question de Verbeek). Je pense qu’il serait intéressant de demander à un peintre de talent de composer une carte-postale de L’OuLiPo qui s’inspirerait de la « méthode » de Verbeek.

QUENEAU : Il faudrait à l’envers reconnaître chacun de nous.

Une voix (intérieure) : Y compris les esclaves et cobayes potentiels.

QUENEAU : Carelman pourrait faire ça.

BERGE : Il nous faudrait aussi l’antiphonème de l’OuLiPo.

LE LIONNAIS : Et le Co.


Le président s’est totalement désintéressé de la question, laquelle se met à porter sur le bretzel et le pantalon (que en est un).

Le Président se réveille juste assez pour donner la parole à LE LIONNAIS sur le premier point des questions rituelles.

Le Régent LE LIONNAIS adresse des félicitations à l’encontre du régent un seul « L », tout le monde proteste, sauf le Président, il l’a déjà dit la dernière fois. Le régent LE LIONNAIS précise que c’est rituel.

Une voix : L’avenir est à nous.

QUEVAL ne prend pas la parole qu’on lui donne.

DUCHATEAU s’en empare et dit : ouvrez les guillemets, Esclave, fermez les guillemets. On suppute au sujet de Mademoiselle Elbaz. La discussion devient générale et censurée. Seules surnagent quelques voix « La Démocratie s’accommode de l’anarchie des esclaves ». Aristote (et non Latis), toujours du même : des « instruments travaillent par eux-mêmes » ; Arnaud « Ah les machines »…, Alcidamas « La nature ne fait pas d’esclaves », une voix « Nous ne sommes pas la nature », Hésiode (les femmes) « Piège-précipice aux parois abruptes et sans issues ».

Une voix : « L’avenir est à nous ».

Le Président (présidant) : Michel Bernard téléphonera à LE LIONNAIS.

LATIS : Quelle a été la réaction de notre future cobaye à l’annonce de sa nomination ?

LESCURE : Il a rougi.

LATIS : Le traître.

Le Président s’étrangle, mais se rate. LE LIONNAIS en profite pour prendre la parole sur Vatican II et le problème des diacres.

LATIS : Michel Bernard pourra finir comme diacre : on lui permettra de se marier.

Le Président rappelle qu’on doit donner à Blavier les textes d’un numéro de Temps Mêlés, sur Cerisy et l’historique de l’OuLiPo. QUENEAU, Duchateau et Lescure ont remis leur texte. Manquent : LE LIONNAIS, Berge et l’esclave Leclech’.

Queneau rappelle que Berge devait rédiger un texte reprenant son intervention lors de l’exposé du Satrape sur le calcul matriciel du langage.

BERGE : Il me faut un poète pour un exemple.

QUENEAU : Un exemple ? S’il en fallait, Le Lionnais ne parlerait jamais.

LE LIONNAIS (à Berge) : Je te vois.

QUENEAU : Ils se voient.

Le Président : Berge et LE LIONNAIS se voient.

Par acclamation, on décide d’inviter à la prochaine réunion Madame Blavier accompagnant son oulipien d’époux. LE LIONNAIS invitera M. Bernard.

La prochaine réunion est fixée au Jeudi 31 octobre, 12h30, ex-Basque.

Le Président : Cette prochaine séance sera consacrée à la préparation du tri-centenaire de l’OuLiPo.

QUENEAU : Tri-centenaire, comme W.S.

Le Président (à LE LIONNAIS) : Un bon mouvement.

LE LIONNAIS : Non

Le Président : Si

LE LIONNAIS (dans un souffle) : Si Shakespeare, je veux commentaires.

F I N

Pour les secrétaires provisoires :

Les Frères Tarots.

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