Compte-rendu de la réunion du 29 septembre 1963

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OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire N°37

COMPTE-RENDU DU 29 SEPTEMBRE 1963

PRESENTS : Queneau, Le Lionnais, Lescure, Latis, Queval, Duchateau.

ESCLAVE : Eliane Elbaz.

INVITE : Enrico Baj

EXCUSES : Arnaud, Bens, Berge, Schmidt

PRESIDENT : QUENEAU

Queneau et François Le Lionnais nous présentent Baj « que personne ne vaille » (qu’on se le dise). Un éminent Peinpo.

Puis ne laissant pas au président le temps de lui reprendre la parole Le Lionnais enchaîne sur le déclinocycle. Pour 4,20 F l’abbé Bauvais nous propose par le truchement du Canard Enchaîné un nouveau moyen de transport par autocontrôle de la déclinaison latine.

Le déclinocycle (sous forme de disque quasiment bleu) circule, les commentaires aussi : « Voyager dans le temps » (Lescure), « pour la zone bleue » (Queneau), « Faut pas tricher » (Latis), et Bens se trouve obligé de revoir entièrement sa déclinaison latine pour nous faire un exposé circonstancié sur le déclinocycle.

Queneau donne la parole à Latis.

LATIS :

  1. L’on se souvient que Paulhan dans la NRF. rendu compte des travaux de l’OuLiPo en termes discourtois : « inintéressants », avait-il écrit.
  2. Les cahiers du Collège de Pataphysique avaient dû, à la suite d’un manque grave de la NRF concernant Aurier, émettre l’hypothèse que peut-être les gens de la NRF. étaient des illettrés.

On en était là.

Or dans le numéro août-septembre de la NRF. vient de paraître la préface de St-John Perse à Fargue. Dans cette préface il est dit que Fargue n’hésitait pas à se rendre à Bruges pour une question de virgule. Or cette préface est émaillée de citations de Fargue, toutes plus inexactes les unes que les autres.

Messieurs sommes-nous vengés ?

UNE VOIX (du côté de Queneau qui mange de la tête de veau) : Bravo.

LESCURE : Tiens tu es ventriloque ?

QUENEAU : Quoi ? (avec les mains car il a toujours la bouche pleine).

QUEVAL : Je me sens vengé deux fois.

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        QUENEAU (émergeant et présidant): Il faudrait recenser. Il faudrait recenser les structures avec ou sans exemples dont nous disposons.

        LE LIONNAIS : C’est sûr. Nous ne devons rien laisser perdre. Surtout lorsqu’il s’agit de structures. Car, messieurs, je le rappelle : c’est la structure qui nous intéresse.

        QUENEAU : Et nous devons nous méfier de nous laisser entraîner sur la pente savonneuse de la linguistique.

        LATIS (se tournant vers Lescure) : Il nous faut donc des esclaves.

        Lescure se débattant avec sa tête de veau (il y eut 6 têtes de veau d’absorbées) feint de ne pas entendre.

        QUENEAU (avec énergie) : Lescure !

        LESCURE : Des esclaves, des esclaves… vous savez les temps sont durs.

        Il sort un énorme dossier. Un silence (énorme aussi)…

        LESCURE : J’ai bien là un jeune poète, étudiant en philosophie.

        PLUSIEURS VOIX : Non, non.

        LESCURE (ménageant ses effets) : …collé 4 fois à propédeutique.

        LATIS (incrédule) : Pardon ?

        LESCURE : 4 fois : 2 fois par an.

        PLUSIEURS VOIX : Très bien, très bien.

        QUENEAU : Je vais faire évacuer la salle.

        LESCURE (sûr de lui) : Il m’a remis un petit travail (Annexe I  ).

        QUENEAU : Excellent.

        LE LIONNAIS : Dans dix ans ce sera un Oulipien.

        QUENEAU (péremptoire): Je te la coupe et je me la donne. Je propose que nous envisageons la création du grade de cobaye pour les esclaves nous ayant remis un travail probant.

        DUCHATEAU : Et les statuts…

        LESCURE : Nommons-le esclave.

        QUENEAU : À l’ordre du jour de la prochaine séance.

        LATIS (précis) : Comment s’appelle-t-il ?

        LESCURE : Michel Bernard.

        QUEVAL : Ah ! Bernard Jazy…C’est bon ça.

        LATIS : D’où vient-il ?

        LESCURE : C’est un ancien flirt de ma fille.

        QUENEAU (s’étranglant) : Pas d’affaire Profumo. Nous ne le voulons pas…

        En chœur : Nous ne le voulons pas.

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              LESCURE : Mais…

              QUENEAU : Le recrutement des esclaves est un sacerdoce.

              LESCURE : C’est aussi mon opinion et je la partage.

              QUENEAU : À l’ordre du jour je vois certaines questions rituelles.

              LE LIONNAIS : Moi, moi…

              QUENEAU : Vous n’avez pas la parole. Je la donne à Duchateau (qui ne l’a pas demandée).

              DUCHATEAU : Et bien… On pourrait parler des comptes-rendus.

              Un grand bruit : Latis vient de disparaître.

              LESCURE : 26 pages que j’ai décryptées avec la bande enregistrée chez moi. 4 pages pour Queval : c’est très bon. Bens doit rédiger ce compte-rendu. Il se propose même pour les autres comptes-rendus de nous décrypter les bandes que nous aurions enregistrées.

              Suit une re-discussion sur les avantages et les inconvénients du magnétophone. A suivre.

              DUCHATEAU : Puisque Bens doit venir il faudra régler cette question avec lui.

              QUENEAU : Nous avons retenu le principe d’une publication – après correction – de nos travaux, il faudrait que ce retard soit rattrapé le plus vite possible.

              LESCURE : À propos de publication il serait peut-être intéressant avec Cerisy

              LE LIONNAIS : Il y en a quelquefois qui attigent et s’adonnent.

              LESCURE (superbe, il n’a pas entendu) : …de demander à Blavier (qui serait, qui est d’accord) de publier les principales déclarations de la décade Le Lionnais ayant trait à l’OuLiPo.

              LATIS : L’on pourrait combiner cela avec une plaquette pour le troisième anniversaire de l’OuLiPo.

              QUENEAU : Anniversaire qui devra être commémoré dignement.

              LE LIONNAIS : Je demande la parole.

              QUENEAU (constatant) : Vous l’avez.

              LE LIONNAIS : Le Régent Lescure a très habilement retourné à son avantage l’affaire Cerisy. Dois-je rappeler qu’à Cerisy j’ai dû donner la parole deux fois de suite au fantôme de Jean Lescure pour que celui-ci daigne obtempérer ? Il serait bon que chacun d’entre nous montre vis-à-vis de son fantôme une autorité qui ne lui permettrait pas tels écarts. Autre plainte à l’encontre du régent : ce mois-ci, il ne m’a pas donné l’occasion de formuler ma rituelle plainte.

              LESCURE : J’ai travaillé.

              QUENEAU : Il a bien travaillé.

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                    LESCURE : J’ai réécrit Euclide.

                    LATIS : Il n’y a que lui qui travaille.

                    (Lescure : Annexe II  )

                    Puis Le Lionnais nous entretient du recensement des vocabulaires (Annexes : III   = Abeille ; VI   = Rossignol).

                    Queval s’attaque bravement aux quatre âges de la poésie avec le concours du romancier anglais Peacock’s : âge de fer, d’or, d’argent, de bronze. Ça s’explique par les deux bouts : âge de fer : barde qui célèbre les exploits du chef de la tribu ; âge de bronze : on en est au stade où l’on n’exprime plus rien ayant trait à la société. Peacock’s lui-même est intéressant pour l’OuLiPo.

                    LE LIONNAIS : Je me demande si l’on ne s’écarte pas une fois encore des structures ?

                    QUEVAL : Dans ce texte il y a du pré-oulipisme : il est question d’usure de la poésie.

                    LE LIONNAIS : Usure de structure serait plus intéressant pour nous.

                    QUENEAU : Je vais en prendre connaissance : je serai l’esclave de Queval.

                    Prochaine séance : 17 octobre et 31 octobre.

                    Pour le nouveau S.P.

                    Louis Meigret (et Louise)

                    N.B. – Oublié (notamment) :

                    1. Jean Lescure a fait remarquer que même dans l’Almanach d’Aunis et Saintonge on s’intéresse à l’OuLiPo (Annexes V   à VI  ) ;
                    2. Une plainte de Latis contre Duchateau à propos du new-look des invitations : vous conviez au Basque, sans indication du lieu, alors qu’il y a, dans le quartier présumé, trois restaurants basques et que le Basque en question n’est plus basque depuis belle lurette : N’est-ce pas un peu osé ? ;
                    3. Une note ainsi rédigée :

                    Finalement :

                    1. Publications
                    2. Cotisations
                    3. Autres moyens : cobayes, esclaves, Queval
                    Texte

                    OUVROIR DE
                    LITTERATURE
                    POTENTIELLE

                    Circulaire N°37

                    COMPTE-RENDU DU 29 SEPTEMBRE 1963

                    PRESENTS : Queneau, Le Lionnais, Lescure, Latis, Queval, Duchateau.

                    ESCLAVE : Eliane Elbaz.

                    INVITE : Enrico Baj

                    EXCUSES : Arnaud, Bens, Berge, Schmidt

                    PRESIDENT : QUENEAU

                    Queneau et François Le Lionnais nous présentent Baj « que personne ne vaille » (qu’on se le dise). Un éminent Peinpo.

                    Puis ne laissant pas au président le temps de lui reprendre la parole Le Lionnais enchaîne sur le déclinocycle. Pour 4,20 F l’abbé Bauvais nous propose par le truchement du Canard Enchaîné un nouveau moyen de transport par autocontrôle de la déclinaison latine.

                    Le déclinocycle (sous forme de disque quasiment bleu) circule, les commentaires aussi : « Voyager dans le temps » (Lescure), « pour la zone bleue » (Queneau), « Faut pas tricher » (Latis), et Bens se trouve obligé de revoir entièrement sa déclinaison latine pour nous faire un exposé circonstancié sur le déclinocycle.

                    Queneau donne la parole à Latis.

                    LATIS :

                    1. L’on se souvient que Paulhan dans la NRF. rendu compte des travaux de l’OuLiPo en termes discourtois : « inintéressants », avait-il écrit.
                    2. Les cahiers du Collège de Pataphysique avaient dû, à la suite d’un manque grave de la NRF concernant Aurier, émettre l’hypothèse que peut-être les gens de la NRF. étaient des illettrés.

                    On en était là.

                    Or dans le numéro août-septembre de la NRF. vient de paraître la préface de St-John Perse à Fargue. Dans cette préface il est dit que Fargue n’hésitait pas à se rendre à Bruges pour une question de virgule. Or cette préface est émaillée de citations de Fargue, toutes plus inexactes les unes que les autres.

                    Messieurs sommes-nous vengés ?

                    UNE VOIX (du côté de Queneau qui mange de la tête de veau) : Bravo.

                    LESCURE : Tiens tu es ventriloque ?

                    QUENEAU : Quoi ? (avec les mains car il a toujours la bouche pleine).

                    QUEVAL : Je me sens vengé deux fois.

                    QUENEAU (émergeant et présidant): Il faudrait recenser. Il faudrait recenser les structures avec ou sans exemples dont nous disposons.

                    LE LIONNAIS : C’est sûr. Nous ne devons rien laisser perdre. Surtout lorsqu’il s’agit de structures. Car, messieurs, je le rappelle : c’est la structure qui nous intéresse.

                    QUENEAU : Et nous devons nous méfier de nous laisser entraîner sur la pente savonneuse de la linguistique.

                    LATIS (se tournant vers Lescure) : Il nous faut donc des esclaves.

                    Lescure se débattant avec sa tête de veau (il y eut 6 têtes de veau d’absorbées) feint de ne pas entendre.

                    QUENEAU (avec énergie) : Lescure !

                    LESCURE : Des esclaves, des esclaves… vous savez les temps sont durs.

                    Il sort un énorme dossier. Un silence (énorme aussi)…

                    LESCURE : J’ai bien là un jeune poète, étudiant en philosophie.

                    PLUSIEURS VOIX : Non, non.

                    LESCURE (ménageant ses effets) : …collé 4 fois à propédeutique.

                    LATIS (incrédule) : Pardon ?

                    LESCURE : 4 fois : 2 fois par an.

                    PLUSIEURS VOIX : Très bien, très bien.

                    QUENEAU : Je vais faire évacuer la salle.

                    LESCURE (sûr de lui) : Il m’a remis un petit travail (Annexe I  ).

                    QUENEAU : Excellent.

                    LE LIONNAIS : Dans dix ans ce sera un Oulipien.

                    QUENEAU (péremptoire): Je te la coupe et je me la donne. Je propose que nous envisageons la création du grade de cobaye pour les esclaves nous ayant remis un travail probant.

                    DUCHATEAU : Et les statuts…

                    LESCURE : Nommons-le esclave.

                    QUENEAU : À l’ordre du jour de la prochaine séance.

                    LATIS (précis) : Comment s’appelle-t-il ?

                    LESCURE : Michel Bernard.

                    QUEVAL : Ah ! Bernard Jazy…C’est bon ça.

                    LATIS : D’où vient-il ?

                    LESCURE : C’est un ancien flirt de ma fille.

                    QUENEAU (s’étranglant) : Pas d’affaire Profumo. Nous ne le voulons pas…

                    En chœur : Nous ne le voulons pas.

                    LESCURE : Mais…

                    QUENEAU : Le recrutement des esclaves est un sacerdoce.

                    LESCURE : C’est aussi mon opinion et je la partage.

                    QUENEAU : À l’ordre du jour je vois certaines questions rituelles.

                    LE LIONNAIS : Moi, moi…

                    QUENEAU : Vous n’avez pas la parole. Je la donne à Duchateau (qui ne l’a pas demandée).

                    DUCHATEAU : Et bien… On pourrait parler des comptes-rendus.

                    Un grand bruit : Latis vient de disparaître.

                    LESCURE : 26 pages que j’ai décryptées avec la bande enregistrée chez moi. 4 pages pour Queval : c’est très bon. Bens doit rédiger ce compte-rendu. Il se propose même pour les autres comptes-rendus de nous décrypter les bandes que nous aurions enregistrées.

                    Suit une re-discussion sur les avantages et les inconvénients du magnétophone. A suivre.

                    DUCHATEAU : Puisque Bens doit venir il faudra régler cette question avec lui.

                    QUENEAU : Nous avons retenu le principe d’une publication – après correction – de nos travaux, il faudrait que ce retard soit rattrapé le plus vite possible.

                    LESCURE : À propos de publication il serait peut-être intéressant avec Cerisy

                    LE LIONNAIS : Il y en a quelquefois qui attigent et s’adonnent.

                    LESCURE (superbe, il n’a pas entendu) : …de demander à Blavier (qui serait, qui est d’accord) de publier les principales déclarations de la décade Le Lionnais ayant trait à l’OuLiPo.

                    LATIS : L’on pourrait combiner cela avec une plaquette pour le troisième anniversaire de l’OuLiPo.

                    QUENEAU : Anniversaire qui devra être commémoré dignement.

                    LE LIONNAIS : Je demande la parole.

                    QUENEAU (constatant) : Vous l’avez.

                    LE LIONNAIS : Le Régent Lescure a très habilement retourné à son avantage l’affaire Cerisy. Dois-je rappeler qu’à Cerisy j’ai dû donner la parole deux fois de suite au fantôme de Jean Lescure pour que celui-ci daigne obtempérer ? Il serait bon que chacun d’entre nous montre vis-à-vis de son fantôme une autorité qui ne lui permettrait pas tels écarts. Autre plainte à l’encontre du régent : ce mois-ci, il ne m’a pas donné l’occasion de formuler ma rituelle plainte.

                    LESCURE : J’ai travaillé.

                    QUENEAU : Il a bien travaillé.

                    LESCURE : J’ai réécrit Euclide.

                    LATIS : Il n’y a que lui qui travaille.

                    (Lescure : Annexe II  )

                    Puis Le Lionnais nous entretient du recensement des vocabulaires (Annexes : III   = Abeille ; VI   = Rossignol).

                    Queval s’attaque bravement aux quatre âges de la poésie avec le concours du romancier anglais Peacock’s : âge de fer, d’or, d’argent, de bronze. Ça s’explique par les deux bouts : âge de fer : barde qui célèbre les exploits du chef de la tribu ; âge de bronze : on en est au stade où l’on n’exprime plus rien ayant trait à la société. Peacock’s lui-même est intéressant pour l’OuLiPo.

                    LE LIONNAIS : Je me demande si l’on ne s’écarte pas une fois encore des structures ?

                    QUEVAL : Dans ce texte il y a du pré-oulipisme : il est question d’usure de la poésie.

                    LE LIONNAIS : Usure de structure serait plus intéressant pour nous.

                    QUENEAU : Je vais en prendre connaissance : je serai l’esclave de Queval.

                    Prochaine séance : 17 octobre et 31 octobre.

                    Pour le nouveau S.P.

                    Louis Meigret (et Louise)

                    N.B. – Oublié (notamment) :

                    1. Jean Lescure a fait remarquer que même dans l’Almanach d’Aunis et Saintonge on s’intéresse à l’OuLiPo (Annexes V   à VI  ) ;
                    2. Une plainte de Latis contre Duchateau à propos du new-look des invitations : vous conviez au Basque, sans indication du lieu, alors qu’il y a, dans le quartier présumé, trois restaurants basques et que le Basque en question n’est plus basque depuis belle lurette : N’est-ce pas un peu osé ? ;
                    3. Une note ainsi rédigée :

                    Finalement :

                    1. Publications
                    2. Cotisations
                    3. Autres moyens : cobayes, esclaves, Queval
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