Compte-rendu de la réunion du 23 décembre 1963

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OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire nº 41

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 23 DECEMBRE 1963

PRESENTS : J. Lescure,
R. Queneau, F. Le Lionnais, Latis, N.
Arnaud
, J. Duchateau,
A.-M. Schmidt.

ESCLAVE : G.
Leclech’

ABSENTS : Bens, Ferry, Berge.

(excusés)

PRESIDENT : QUENEAU.

QUENEAU : A propos des
travaux de Madame
Hitchberg

Rire de…Arnaud (voir précédent
compte-rendu  )

F. LE LIONNAIS : Berge m’a dit qu’il ne se sentait pas le courage
d’examiner ses travaux considérables. Il suggère que nous lui écrivions un mot en la
félicitant globalement. Pour ce qui est du détail, il nous suffirait de regretter que le
manque de temps (ou la faiblesse, discussion entre R.
Queneau
et J. Lescure pour le
choix du temps, R. Queneau présidant,
l’emporte : T’as pas la parole) de ses membres ait interdit à l’OuLiPo de pousser plus
avant.

DUCHATEAU : On lui envoie une carte de
vœux avec : « ça circule… »

QUENEAU : Je luis écris dilatoirement. Je
garde la parole : Quemada c’est très
intéressant. Il est regrettable que l’on ait perdu le contact avec lui. Dans le cahier de lexicologie il y a une
étude sur les rimes chez Corneille et Racine.

DUCHATEAU : Ecrivons-lui aussi…

QUENEAU (prêt à tout) : Je lui écris.

LE LIONNAIS : A propos des esclaves,
j’ai quelqu’un à proposer.

LESCURE (se sentant visé) : On n’est pas
content de mon recrutement ?

LE LIONNAIS : Mais il nous faut beaucoup
d’esclaves, car nous devons pouvoir choisir en fonction du travail à accomplir. Celui que
j’ai à vous proposer est un ancien professeur de philosophie, attaché au C.N.R.S. qui
prépare un livre pour Berès sur la
logique de L. Carroll dans « Alice au pays des
Merveilles
 ».

LESCURE : Et qui s’appelle ?

LE LIONNAIS : Vous n’avez pas la
parole.

QUENEAU : Tu n’as pas la parole.

LE LIONNAIS, LESCURE (ensemble) : Qui ça moi ?

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QUENEAU : Taisez-vous. (A Le Lionnais) et qui s’appelle ?

LE LIONNAIS : Comment qui
s’appelle ?

LESCURE : Eh bien oui, votre esclave,
comment s’appelle-t-il ?

LE LIONNAIS (au président) : Le Régent
Lescure a-t-il ou n’a-t-il pas la
parole ?

La discussion se poursuit, nous ne saurons pas le nom de cet esclave.

LESCURE (concluant) : Quand on aura
trouvé son nom, ça fera une bonne surprise à Le
Lionnais
.

LE LIONNAIS (énigmatique) : Quel beurre
est-ce ?

Le Clech’ (essoufflé) : Je suis
dépassé.

QUENEAU : Je voudrais reparler de la
publication des comptes-rendus par Gallimard : le principe en étant admis, il nous faut soumettre un specimen de
notre projet afin d’obtenir une avance. Il serait donc indispensable de décider :

1º. avec quelle « époque » de comptes-rendus nous établirons ce specimen ;

2º. que chacun vérifie le bien fondé de ses propos et apporte les rectifications

nécessaires.

LESCURE : On se souviendra jamais de la
vérité.

SCHMIDT : Et l’imaginaire…

LESCURE : Il précède ma pensée.

LE LIONNAIS : Ce sera de la prothèse
littéraire.

LATIS : Il faut supprimer les c…

QUENEAU : Chacun sera juge des
siennes.

LATIS : Je suis contre mes attaques à
l’égard des comptes-rendus.

QUENEAU : Faudra-t-il mettre tous les
noms ? Et les nôtres ?

LE CLECH’ : On pourra mettre X…

SCHMIDT : Ou utiliser des lettres, mais
en aurons-nous assez ?

LE CLECH’ : Q est libre.

QUENEAU : Et moi ?

LE LIONNAIS : pour les gens que nous
citons on pourra dire Bourbon
Busset
qui n’est pas un c…

Suit d’un petit dialogue exprès dont la transcription rigoureusement exacte donne
ceci :

LE CLECH’ : Le livre de poche, ce
sera pour plus tard. Là, il faudra la manière de s’en servir.

LE LIONNAIS : Nous avons huit
positions : Fermé, ouvert jour, ouvert nuit…

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LE CLECH’ : …L’eau chaude…

SCHMIDT : Ça se recharge.

LESCURE : Ça se décharge.

LATIS : C’est le progrès.

LE LIONNAIS : La science…

LATIS : Je cherchais le mot.

etc…etc…

Intermède concernant les archives que
Duchateau réclamera à Bens. Latis se propose de transmettre les doubles (qu’il n’a pas).

LE LIONNAIS (inspiré, puis étonné) :
Quatre framboises, deux maisons, un pays…c’est Du Bellay.

LESCURE : J’ai fait un travail sur les
voyelles. On numérote les voyelles, on fait subir aux chiffres des opérations et on remplace les voyelles initiales par les nouvelles correspondant
aux chiffres obtenus grâce aux opérations.

ARNAUD : Je pense…

QUENEAU : Vous n’avez pas la parole.

ARNAUD : Je pense à demander la
parole.

LE LIONNAIS : Prenons dix voyelles.

SCHMIDT : On les numérote de 1 à 0 (Voir
Annexe I  )

LE CLECH’ : C’est de l’ isouvocalisme [sic].

Puis Le Lionnais s’empare de la parole
pour nous apprendre que Lescure a
brillamment parlé de l’OuLiPo à Royaumont.

UNE VOIX : Avec l’autorisation de qui ?

LE LIONNAIS (hypocrite) : De l’un
d’entre nous, c’est sûr !

LESCURE : C’est sûr !

UNE VOIX : C’est sûr !

LE LIONNAIS : Parler de l’OuLiPo sans en
avoir l’autorisation n’est pas un crime, Messieurs, c’est une faute.

Silence, (assez long).

Prochaine réunion
Vendredi 31 janvier à 12 h 30 : invité : Jean
Ferry
.

Le Lionnais avant de partir, nous
recommande « Les Tontons
Flingueurs
 » quand ce ne serait que pour cette réplique : « Pascal a peint Dieu tel qu’il est, Bossuet tel qu’il devrait être. »

Pour le nouveau S.P.

Louis Neigret

Texte

OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire nº 41

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 23 DECEMBRE 1963

PRESENTS : J. Lescure,
R. Queneau, F. Le Lionnais, Latis, N.
Arnaud
, J. Duchateau,
A.-M. Schmidt.

ESCLAVE : G.
Leclech’

ABSENTS : Bens, Ferry, Berge.

(excusés)

PRESIDENT : QUENEAU.

QUENEAU : A propos des
travaux de Madame
Hitchberg

Rire de…Arnaud (voir précédent
compte-rendu  )

F. LE LIONNAIS : Berge m’a dit qu’il ne se sentait pas le courage
d’examiner ses travaux considérables. Il suggère que nous lui écrivions un mot en la
félicitant globalement. Pour ce qui est du détail, il nous suffirait de regretter que le
manque de temps (ou la faiblesse, discussion entre R.
Queneau
et J. Lescure pour le
choix du temps, R. Queneau présidant,
l’emporte : T’as pas la parole) de ses membres ait interdit à l’OuLiPo de pousser plus
avant.

DUCHATEAU : On lui envoie une carte de
vœux avec : « ça circule… »

QUENEAU : Je luis écris dilatoirement. Je
garde la parole : Quemada c’est très
intéressant. Il est regrettable que l’on ait perdu le contact avec lui. Dans le cahier de lexicologie il y a une
étude sur les rimes chez Corneille et Racine.

DUCHATEAU : Ecrivons-lui aussi…

QUENEAU (prêt à tout) : Je lui écris.

LE LIONNAIS : A propos des esclaves,
j’ai quelqu’un à proposer.

LESCURE (se sentant visé) : On n’est pas
content de mon recrutement ?

LE LIONNAIS : Mais il nous faut beaucoup
d’esclaves, car nous devons pouvoir choisir en fonction du travail à accomplir. Celui que
j’ai à vous proposer est un ancien professeur de philosophie, attaché au C.N.R.S. qui
prépare un livre pour Berès sur la
logique de L. Carroll dans « Alice au pays des
Merveilles
 ».

LESCURE : Et qui s’appelle ?

LE LIONNAIS : Vous n’avez pas la
parole.

QUENEAU : Tu n’as pas la parole.

LE LIONNAIS, LESCURE (ensemble) : Qui ça moi ?

QUENEAU : Taisez-vous. (A Le Lionnais) et qui s’appelle ?

LE LIONNAIS : Comment qui
s’appelle ?

LESCURE : Eh bien oui, votre esclave,
comment s’appelle-t-il ?

LE LIONNAIS (au président) : Le Régent
Lescure a-t-il ou n’a-t-il pas la
parole ?

La discussion se poursuit, nous ne saurons pas le nom de cet esclave.

LESCURE (concluant) : Quand on aura
trouvé son nom, ça fera une bonne surprise à Le
Lionnais
.

LE LIONNAIS (énigmatique) : Quel beurre
est-ce ?

Le Clech’ (essoufflé) : Je suis
dépassé.

QUENEAU : Je voudrais reparler de la
publication des comptes-rendus par Gallimard : le principe en étant admis, il nous faut soumettre un specimen de
notre projet afin d’obtenir une avance. Il serait donc indispensable de décider :

1º. avec quelle « époque » de comptes-rendus nous établirons ce specimen ;

2º. que chacun vérifie le bien fondé de ses propos et apporte les rectifications

nécessaires.

LESCURE : On se souviendra jamais de la
vérité.

SCHMIDT : Et l’imaginaire…

LESCURE : Il précède ma pensée.

LE LIONNAIS : Ce sera de la prothèse
littéraire.

LATIS : Il faut supprimer les c…

QUENEAU : Chacun sera juge des
siennes.

LATIS : Je suis contre mes attaques à
l’égard des comptes-rendus.

QUENEAU : Faudra-t-il mettre tous les
noms ? Et les nôtres ?

LE CLECH’ : On pourra mettre X…

SCHMIDT : Ou utiliser des lettres, mais
en aurons-nous assez ?

LE CLECH’ : Q est libre.

QUENEAU : Et moi ?

LE LIONNAIS : pour les gens que nous
citons on pourra dire Bourbon
Busset
qui n’est pas un c…

Suit d’un petit dialogue exprès dont la transcription rigoureusement exacte donne
ceci :

LE CLECH’ : Le livre de poche, ce
sera pour plus tard. Là, il faudra la manière de s’en servir.

LE LIONNAIS : Nous avons huit
positions : Fermé, ouvert jour, ouvert nuit…

LE CLECH’ : …L’eau chaude…

SCHMIDT : Ça se recharge.

LESCURE : Ça se décharge.

LATIS : C’est le progrès.

LE LIONNAIS : La science…

LATIS : Je cherchais le mot.

etc…etc…

Intermède concernant les archives que
Duchateau réclamera à Bens. Latis se propose de transmettre les doubles (qu’il n’a pas).

LE LIONNAIS (inspiré, puis étonné) :
Quatre framboises, deux maisons, un pays…c’est Du Bellay.

LESCURE : J’ai fait un travail sur les
voyelles. On numérote les voyelles, on fait subir aux chiffres des opérations et on remplace les voyelles initiales par les nouvelles correspondant
aux chiffres obtenus grâce aux opérations.

ARNAUD : Je pense…

QUENEAU : Vous n’avez pas la parole.

ARNAUD : Je pense à demander la
parole.

LE LIONNAIS : Prenons dix voyelles.

SCHMIDT : On les numérote de 1 à 0 (Voir
Annexe I  )

LE CLECH’ : C’est de l’  isouvocalisme [sic].

Puis Le Lionnais s’empare de la parole
pour nous apprendre que Lescure a
brillamment parlé de l’OuLiPo à Royaumont.

UNE VOIX : Avec l’autorisation de qui ?

LE LIONNAIS (hypocrite) : De l’un
d’entre nous, c’est sûr !

LESCURE : C’est sûr !

UNE VOIX : C’est sûr !

LE LIONNAIS : Parler de l’OuLiPo sans en
avoir l’autorisation n’est pas un crime, Messieurs, c’est une faute.

Silence, (assez long).

Prochaine réunion
Vendredi 31 janvier à 12 h 30 : invité : Jean
Ferry
.

Le Lionnais avant de partir, nous
recommande « Les Tontons
Flingueurs
 » quand ce ne serait que pour cette réplique : « Pascal a peint Dieu tel qu’il est, Bossuet tel qu’il devrait être. »

Pour le nouveau S.P.

Louis Neigret

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