Compte-rendu de la réunion du 19 janvier 1962

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OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire n°17

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU

19 janvier 1962

PRESENTS : ArnaudBensBergeDuchateauLe LionnaisLescureQueneauSchmidt

EXCUSES : LatisQueval

Invité: M. QUEMADA, du Centre d’Études du Vocabulaire Français, de Besançon.

Président : Noël ARNAUD.

Pour ouvrir joyeusement (mais non sans solennité) la séance, et afin d’honorer notre invité, Bens donne lecture de l’hymne OuLiPien   qu’il a composé (voir annexe  ). La discussion est ouverte.

QUENEAU : Je trouve que ce refrain en CHA-CHA accorde une place excessive à nos associés britanniques.

LE LIONNAIS : Pourquoi n’avez-vous pas écrit seulement un dizain, avec les seuls membres actifs ?

BENS : Primo, pour honorer nos collègues d’outre-mer et d’outre-monts ; secundo, parce qu’un hymne doit avoir des couplets et un refrain, c’est le genre qui veut ça.

QUEMADA : Il n’est peut-être pas indispensable d’avoir « cha-cha » dans le refrain d’un cha-cha-cha.

BENS : Primo, c’est le genre qui veut ça (bis) ; secundo, s’il n’y a pas « cha-cha » dans le refrain, il n’y a plus de raison pour que cet hymne soit un cha-cha-cha.

QUENEAU : Justement, ce n’est pas nécessaire. On n’a qu’à faire autre chose.

BENS : Z’avez qu’à vous y mettre.

LE LIONNAIS : Pas du tout, pas du tout : Celui-ci est excellent !

LE PRESIDENT : Je mets aux voix une proposition suivant laquelle chacun de nous écrira un hymne.

(Résultats : 3 pour ; 4 contre ; 1 abstention.)

LE PRESIDENT : Je mets aux voix l’adoption de l’hymne de Bens.

(Résultats : Adoption à l’unanimité moins une voix.)

On pose la question de la mise en musique.

BENS : Je fais des réserves préalables. Il faut que la musique soit chantable.

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QUEMADA : Défilable !

QUENEAU : Pour la musique…

LE LIONNAIS : Un concours s’impose !

QUENEAU : … on demandera à Braffort, ou à Barbaud, ou à Philippot.

Dans un de ces trois buts, Berge met les paroles de l’hymne dans sa poche.

QUEMADA : Permettez-moi de vous faire remarquer, si ce n’est pas abuser de votre hospitalité, que le cha-cha-cha interdit les défilés, parce qu’on fait un pas en avant, un pas en arrière.

LE PRESIDENT : Eh bien, nous ne défilerons pas ! Nous chanterons seulement. Dans les édifices religieux.

QUENEAU : Je vous signale qu’un inventaire des « mots pleins » d’Alcools a été réalisé par M. GUIRAUD. Je crois que tous les membres de L’OuLiPo devraient faire un recueil de vers avec cet inventaire.

BERGE : Devra-t-on utiliser les mots le même nombre de fois qu’Apollinaire ?

QUENEAU : Si la proportion est indiquée, oui !

LESCURE : Et si on ré-écrit Alcools ?

TOUS : Oh.

QUEMADA : Si cela vous intéresse, je peux vous procurer cent cinquante autres textes dont l’inventaire a été fait par notre Centre. Notamment : Bérénice, Tite et Bérénice, Calligrammes, etc…

QUENEAU : Pardonnez-moi si je vous interromps une seconde. C’est pour préciser que l’éditeur de l’inventaire d’Alcools est Klincksieck, librairie des Méridiens, Bd St-Germain.

QUEMADA : Je peux vous procurer également des recueils de Hugo, Scève, Ronsard, Garnier, etc…

M. QUEMADA lit alors quelques spécimens de répertoire établis par le Centre de Besançon. Il en laisse quelques uns pour les archives de l’OuLiPo.

SCHMIDT : Je crois que ce que nous venons d’entendre est très extraordinaire. Nos atteignons un des sommets de nos réunions.

Approbations générales. M. Quemada s’offre à nous offrir les répertoires qui pourraient nous intéresser.

QUEMADA : En particulier, je serai très heureux d’offrir à l’OuLiPo les concordances des Fleurs du Mal.

TOUS : Les quoi ?

QUEMADA : Nous appelons « concordances » des répertoires de vers contenant le même mot.

LE PRESIDENT : A-t-on des questions à poser à M. Quemada ?

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QUEMADA : Moi j’en ai une à vous poser : quand tiendrez-vous une réunion de l’OuLiPo à Besançon ?

QUENEAU : Eh bien, nous allons y songer !

QUEMADA : Je serais très heureux de vous faire visiter notre Centre. Et vous pourriez vous rendre compte de vous-mêmes des possibilités que nous pouvons vous offrir. De plus, je peux vous faire adresser régulièrement, si vous le désirez, le Bulletin du Centre. Mais il n’est pas très, très drôle.

QUENEAU : Mais nous sommes très sérieux !

(Graves approbations du chef)

On envisage la publication en volume des C.R. de l’OuLiPo. Cette question sera mise à l’ordre du jour dans quelques mois.

QUENEAU : Permettez-moi de vous signaler que je parle de l’OuLiPo dans un des entretiens que j’enregistre, en ce moment, pour la RTF, avec Charbonnier. Ces entretiens seront diffusés tous les vendredis, vers 21 h 30, pendant l’entracte de l’émission lyrique, sur France III. J’ai assez longtemps parlé du Dossier OuLiPo.

QUENEAU : J’ai toujours mon petit travail sur la loi d’Estoup-Zipf. Je vous le présenterai la prochaine fois. C’est la recherche des textes qui échappent à la loi.

LE LIONNAIS : J’ai trouvé dans Delille (Jacques) le texte suivant : « De tous temps, les poètes-philosophes ont eu le droit d’emprunter aux sciences les matériaux qu’ils mettent en œuvre. » Remplacez matériaux par méthodes et vous obtiendrez une assez bonne définition de l’OuLiPo.

QUENEAU : Je crois que ça se discute. Des index ne sont pas des méthodes, mais des matériaux. On peut prendre le mot matériaux dans un sens large.

LA PROCHAINE REUNION AURA LIEU

LE VENDREDI 16 FEVRIER 1962.

Le S.P.

Texte

OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire n°17

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU

19 janvier 1962

PRESENTS : ArnaudBensBergeDuchateauLe LionnaisLescureQueneauSchmidt

EXCUSES : LatisQueval

Invité: M. QUEMADA, du Centre d’Études du Vocabulaire Français, de Besançon.

Président : Noël ARNAUD.

Pour ouvrir joyeusement (mais non sans solennité) la séance, et afin d’honorer notre invité, Bens donne lecture de l’hymne OuLiPien   qu’il a composé (voir annexe  ). La discussion est ouverte.

QUENEAU : Je trouve que ce refrain en CHA-CHA accorde une place excessive à nos associés britanniques.

LE LIONNAIS : Pourquoi n’avez-vous pas écrit seulement un dizain, avec les seuls membres actifs ?

BENS : Primo, pour honorer nos collègues d’outre-mer et d’outre-monts ; secundo, parce qu’un hymne doit avoir des couplets et un refrain, c’est le genre qui veut ça.

QUEMADA : Il n’est peut-être pas indispensable d’avoir « cha-cha » dans le refrain d’un cha-cha-cha.

BENS : Primo, c’est le genre qui veut ça (bis) ; secundo, s’il n’y a pas « cha-cha » dans le refrain, il n’y a plus de raison pour que cet hymne soit un cha-cha-cha.

QUENEAU : Justement, ce n’est pas nécessaire. On n’a qu’à faire autre chose.

BENS : Z’avez qu’à vous y mettre.

LE LIONNAIS : Pas du tout, pas du tout : Celui-ci est excellent !

LE PRESIDENT : Je mets aux voix une proposition suivant laquelle chacun de nous écrira un hymne.

(Résultats : 3 pour ; 4 contre ; 1 abstention.)

LE PRESIDENT : Je mets aux voix l’adoption de l’hymne de Bens.

(Résultats : Adoption à l’unanimité moins une voix.)

On pose la question de la mise en musique.

BENS : Je fais des réserves préalables. Il faut que la musique soit chantable.

QUEMADA : Défilable !

QUENEAU : Pour la musique…

LE LIONNAIS : Un concours s’impose !

QUENEAU : … on demandera à Braffort, ou à Barbaud, ou à Philippot.

Dans un de ces trois buts, Berge met les paroles de l’hymne dans sa poche.

QUEMADA : Permettez-moi de vous faire remarquer, si ce n’est pas abuser de votre hospitalité, que le cha-cha-cha interdit les défilés, parce qu’on fait un pas en avant, un pas en arrière.

LE PRESIDENT : Eh bien, nous ne défilerons pas ! Nous chanterons seulement. Dans les édifices religieux.

QUENEAU : Je vous signale qu’un inventaire des « mots pleins » d’Alcools a été réalisé par M. GUIRAUD. Je crois que tous les membres de L’OuLiPo devraient faire un recueil de vers avec cet inventaire.

BERGE : Devra-t-on utiliser les mots le même nombre de fois qu’Apollinaire ?

QUENEAU : Si la proportion est indiquée, oui !

LESCURE : Et si on ré-écrit Alcools ?

TOUS : Oh.

QUEMADA : Si cela vous intéresse, je peux vous procurer cent cinquante autres textes dont l’inventaire a été fait par notre Centre. Notamment : Bérénice, Tite et Bérénice, Calligrammes, etc…

QUENEAU : Pardonnez-moi si je vous interromps une seconde. C’est pour préciser que l’éditeur de l’inventaire d’Alcools est Klincksieck, librairie des Méridiens, Bd St-Germain.

QUEMADA : Je peux vous procurer également des recueils de Hugo, Scève, Ronsard, Garnier, etc…

M. QUEMADA lit alors quelques spécimens de répertoire établis par le Centre de Besançon. Il en laisse quelques uns pour les archives de l’OuLiPo.

SCHMIDT : Je crois que ce que nous venons d’entendre est très extraordinaire. Nos atteignons un des sommets de nos réunions.

Approbations générales. M. Quemada s’offre à nous offrir les répertoires qui pourraient nous intéresser.

QUEMADA : En particulier, je serai très heureux d’offrir à l’OuLiPo les concordances des Fleurs du Mal.

TOUS : Les quoi ?

QUEMADA : Nous appelons « concordances » des répertoires de vers contenant le même mot.

LE PRESIDENT : A-t-on des questions à poser à M. Quemada ?

QUEMADA : Moi j’en ai une à vous poser : quand tiendrez-vous une réunion de l’OuLiPo à Besançon ?

QUENEAU : Eh bien, nous allons y songer !

QUEMADA : Je serais très heureux de vous faire visiter notre Centre. Et vous pourriez vous rendre compte de vous-mêmes des possibilités que nous pouvons vous offrir. De plus, je peux vous faire adresser régulièrement, si vous le désirez, le Bulletin du Centre. Mais il n’est pas très, très drôle.

QUENEAU : Mais nous sommes très sérieux !

(Graves approbations du chef)

On envisage la publication en volume des C.R. de l’OuLiPo. Cette question sera mise à l’ordre du jour dans quelques mois.

QUENEAU : Permettez-moi de vous signaler que je parle de l’OuLiPo dans un des entretiens que j’enregistre, en ce moment, pour la RTF, avec Charbonnier. Ces entretiens seront diffusés tous les vendredis, vers 21 h 30, pendant l’entracte de l’émission lyrique, sur France III. J’ai assez longtemps parlé du Dossier OuLiPo.

QUENEAU : J’ai toujours mon petit travail sur la loi d’Estoup-Zipf. Je vous le présenterai la prochaine fois. C’est la recherche des textes qui échappent à la loi.

LE LIONNAIS : J’ai trouvé dans Delille (Jacques) le texte suivant : « De tous temps, les poètes-philosophes ont eu le droit d’emprunter aux sciences les matériaux qu’ils mettent en œuvre. » Remplacez matériaux par méthodes et vous obtiendrez une assez bonne définition de l’OuLiPo.

QUENEAU : Je crois que ça se discute. Des index ne sont pas des méthodes, mais des matériaux. On peut prendre le mot matériaux dans un sens large.

LA PROCHAINE REUNION AURA LIEU

LE VENDREDI 16 FEVRIER 1962.

Le S.P.

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