Compte-rendu de la réunion du 10 août 1965

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OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

Circulaire n°63

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 10 AOUT 1965

Chez François Le Lionnais

PRESENTS : J. Queval, F. Le Lionnais, C. Berge, R. Queneau, J. Duchateau, Latis.

PRESIDENT : A. BLAVIER

Lieu: Sous la tonnelle, il fait beau, le Kir (et le quart Vichy) sont frais, le gigot saignant, le bordeaux chambré à souhait.

F. Le Lionnais nous invite à nous servir et prend la parole sur le thème démocratie et poésie.

Annexe 1   (communiqué à chacun)

R. QUENEAU: Le 14 B me gêne à cause du hiatus.

F. LE LIONNAIS: Tu ne respectes pas le secret.

(Silence. Le dépouillement du vote est remis à plus tard.)

Blavier donne la parole à Queval (qui refuse de communiquer au Secrétariat l’objet de son intervention), puis à Duchateau.

J. DUCHATEAU: J’ai mis à profit mes vacances pour lire le Juif errant.

LATIS: Mon livre de chevet: Rodin quel personnage, il m’arrive de déjeuner d’un radis noir.

Annexe 2  Duchateau.

LATIS: La composition du Juif errant est très rigoureuse, bien sûr il y a des quantités d’incidents provenant du fait qu’Eugène Sue suivait l’actualité et s’abandonnait aux digressions commandées par celle-ci, mail il n’en reste pas moins que ce roman reflète la parfaite maîtrise de Sue dans l’art de construire une histoire et de faire converger des anecdotes apparemment parallèles au moment voulu.

R. QUENEAU: Il serait intéressant de savoir si les contraintes mises en évidences par Duchateau ont été utilisées systématiquement d’une part, intuitivement ou non d’autre part.

C. BERGE: On pourrait déjà établir une liste des correspondances bi-univoques.

F. LE LIONNAIS: J’avais fait autrefois un travail dans ce sens sur Zévacco que je vais rechercher.

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    A. BLAVIER: Il serait peut-être curieux aussi d’examiner si la suppression pendant un laps de temps de la parution du feuilleton influe sur les structures utilisées.

    J. QUEVAL: Si ces structures correspondent à quelque chose ça me paraît bien commode: je fais pour la télévision un feuilleton: j’aimerais bien avoir à ma disposition un moyen commode et logique d’agencer les évènements. Est-ce que vous savez que les téléspectateurs envoient des télégrammes pour exiger que tel personnage fasse telle chose? Que devient la structure dans ce cas?

    R. QUENEAU: Annexes 3   et 4  .

    A. BLAVIER: Moralité: il faut envoyer les Comptes-Rendus de l’Oulipo à la Bibliothèque Nationale. La parole à Queval.

    J. QUEVAL: Je voudrais parler de St-Bernard. J’ai été à Cerisy assister à une décade sur le XIIe.

    R. QUENEAU: Sur?

    J. QUEVAL: Le XIIe.

    R. QUENEAU: Pardon! Je ne comprends pas.

    J. QUEVAL: Le XIIe siècle, St-Bernard.

    R. QUENEAU: Ah! J’avoue que je suis surpris.

    J. QUEVAL: J’espérais que l’en parlerait du langage, le passage du normand-anglais au français, etc…, bref je me suis ennuyé pendant quinze jours. Cela dit, j’ai entendu dire que St-Bernard s’était livré à des travaux pré-oulipiens.

    F. LE LIONNAIS: Vous avez entendu dire?

    J. QUEVAL: Par ma femme, ce jour-là j’étais absent.

    F. LE LIONNAIS: Où étiez-vous?

    J. QUEVAL: J’étais absent. Mais vous, vous savez peut-être si St-Bernard est connu pour des travaux de ce genre.

    LATIS: Dans St-Bernard, il y a des jeux de mots, des contrepèteries.

    F. LE LIONNAIS: Nous irons à la prochaine décade sur St-Bernard.

    C. BERGE: On pourrait peut-être inviter de Candillac, il nous ferait une communication.

    LATIS: Je ne me souviens pas d’exemples de « structures » chez St-Bernard. En architecture, il était contre les fioritures, pour l’utile et les nécessités internes de l’œuvre. A part ça, il voyait la Vierge.

    R. QUENEAU: Quemada a publié chez Larousse un tableau des concordances des Fleurs du mal.

    On découvre qu’Albatros et Divan ne sont utilisés qu’une seule fois.

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      LATIS: J’espère que le dernier C.R. porte trace du mot de Queneau: « Il faut canaliser nos débordements intimes vers la revue du Collège ». L’OuLiPo qui est l’aile marchande du Collège sera représenté dans le premier numéro nouvelle formule, j’aimerais que cette collaboration soit régulière.

      R. QUENEAU: J’ai poursuivi la lecture des C.R. C’est impossible pour Moutton, il ne reste rien. Je pense que la proposition de Latis vient à peint.

      LATIS: Puisque Moutton a du plomb dans l’aile on pourrait prévoir que l’OuLiPo donnerait six pages à la revue pour chaque numéro, c’est-à-dire tous les trimestres. Cela nous obligerait à un travail régulier.

      F. LE LIONNAIS: Régulier, je m’étrangle pardon…

      LATIS: Ce qui n’interdira pas un nouveau numéro spécial de la revue.

      F. LE LIONNAIS: En plus?

      LATIS: En plus.

      F. LE LIONNAIS: Messieurs, l’heure est grave: il faut nous réunir en Assemblée Générale.

      A. BLAVIER: pour le demi-millénaire.

      F. LE LIONNAIS: Un congrès trois jours.

      C. BERGE: A Rome.

      LATIS: On ira voir le Pape, en ne fera rien.

      R. QUENEAU: Je connais un bon hôtel.

      A. BLAVIER: Où ça?

      R. QUENEAU: A Saint-Mandé.

      A. BLAVIER: Pourquoi pas à Queneau. Dans les Flandres, il faut changer six fois de train pour arriver au village intitulé: Queneau.

      LATIS: Vous savez que Queneau est l’infinitif du verbe travailler en hébreu?

      R. QUENEAU:

      1. H. Bazin prépare n livre sur la réforme de l’orthographe, ponctuation nouvelle…
      2. J. Legrand quelque chose sur Bense. Dans Bense, il y a de l’aléatoire mais aussi des choses intéressantes.
      3. Depuis six ans, Effel travaille à un langage utilisant des signes qui ne seraient pas pictographiques, pas tous. Il y a des signes pris aux mathématiques, signes du zodiaque, des signaux routiers, etc… Il en a fait une grammaire. Par exemple les signaux routiers sont, d’après lui, de trois ordres:

      les ronds (verbe) = ce qu’il faut faire;

      les triangulaires (adjectifs) = qualité de la route, verglas… etc;

      les rectangulaires (substantifs) = nomme les choses, villes…

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        C’est très intéressant.

        Tout cela pour vous dire que nous devons travailler car il y a des activités parallèles à la nôtre qui se font jour.

        J. QUEVAL: Les Egyptiens n’utilisent pas le verbe avoir. Une traduction d’alexandrin donne ceci:

        « Le riche propriétaire il est nombreux en bœufs,

        La mère de famille elle est nombreuse en œufs. »

        F. LE LIONNAIS: Je sens un frisson nouveau dans la littérature.

        Prochain OuLiPo-basque: 24 septembre.

        Invités: Effel, Faure, Bense.

        Demi-Millénaire: 30, 31 octobre, 1er novembre 1965,

        à Amboisse, ou Chinon (Hôtel St-Hilaire)

        eu?

        Le S.P.

        J.D.

        Texte

        OUVROIR DE
        LITTERATURE
        POTENTIELLE

        Circulaire n°63

        COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 10 AOUT 1965

        Chez François Le Lionnais

        PRESENTS : J. Queval, F. Le Lionnais, C. Berge, R. Queneau, J. Duchateau, Latis.

        PRESIDENT : A. BLAVIER

        Lieu: Sous la tonnelle, il fait beau, le Kir (et le quart Vichy) sont frais, le gigot saignant, le bordeaux chambré à souhait.

        F. Le Lionnais nous invite à nous servir et prend la parole sur le thème démocratie et poésie.

        Annexe 1   (communiqué à chacun)

        R. QUENEAU: Le 14 B me gêne à cause du hiatus.

        F. LE LIONNAIS: Tu ne respectes pas le secret.

        (Silence. Le dépouillement du vote est remis à plus tard.)

        Blavier donne la parole à Queval (qui refuse de communiquer au Secrétariat l’objet de son intervention), puis à Duchateau.

        J. DUCHATEAU: J’ai mis à profit mes vacances pour lire le Juif errant.

        LATIS: Mon livre de chevet: Rodin quel personnage, il m’arrive de déjeuner d’un radis noir.

        Annexe 2  Duchateau.

        LATIS: La composition du Juif errant est très rigoureuse, bien sûr il y a des quantités d’incidents provenant du fait qu’Eugène Sue suivait l’actualité et s’abandonnait aux digressions commandées par celle-ci, mail il n’en reste pas moins que ce roman reflète la parfaite maîtrise de Sue dans l’art de construire une histoire et de faire converger des anecdotes apparemment parallèles au moment voulu.

        R. QUENEAU: Il serait intéressant de savoir si les contraintes mises en évidences par Duchateau ont été utilisées systématiquement d’une part, intuitivement ou non d’autre part.

        C. BERGE: On pourrait déjà établir une liste des correspondances bi-univoques.

        F. LE LIONNAIS: J’avais fait autrefois un travail dans ce sens sur Zévacco que je vais rechercher.

        A. BLAVIER: Il serait peut-être curieux aussi d’examiner si la suppression pendant un laps de temps de la parution du feuilleton influe sur les structures utilisées.

        J. QUEVAL: Si ces structures correspondent à quelque chose ça me paraît bien commode: je fais pour la télévision un feuilleton: j’aimerais bien avoir à ma disposition un moyen commode et logique d’agencer les évènements. Est-ce que vous savez que les téléspectateurs envoient des télégrammes pour exiger que tel personnage fasse telle chose? Que devient la structure dans ce cas?

        R. QUENEAU: Annexes 3   et 4  .

        A. BLAVIER: Moralité: il faut envoyer les Comptes-Rendus de l’Oulipo à la Bibliothèque Nationale. La parole à Queval.

        J. QUEVAL: Je voudrais parler de St-Bernard. J’ai été à Cerisy assister à une décade sur le XIIe.

        R. QUENEAU: Sur?

        J. QUEVAL: Le XIIe.

        R. QUENEAU: Pardon! Je ne comprends pas.

        J. QUEVAL: Le XIIe siècle, St-Bernard.

        R. QUENEAU: Ah! J’avoue que je suis surpris.

        J. QUEVAL: J’espérais que l’en parlerait du langage, le passage du normand-anglais au français, etc…, bref je me suis ennuyé pendant quinze jours. Cela dit, j’ai entendu dire que St-Bernard s’était livré à des travaux pré-oulipiens.

        F. LE LIONNAIS: Vous avez entendu dire?

        J. QUEVAL: Par ma femme, ce jour-là j’étais absent.

        F. LE LIONNAIS: Où étiez-vous?

        J. QUEVAL: J’étais absent. Mais vous, vous savez peut-être si St-Bernard est connu pour des travaux de ce genre.

        LATIS: Dans St-Bernard, il y a des jeux de mots, des contrepèteries.

        F. LE LIONNAIS: Nous irons à la prochaine décade sur St-Bernard.

        C. BERGE: On pourrait peut-être inviter de Candillac, il nous ferait une communication.

        LATIS: Je ne me souviens pas d’exemples de « structures » chez St-Bernard. En architecture, il était contre les fioritures, pour l’utile et les nécessités internes de l’œuvre. A part ça, il voyait la Vierge.

        R. QUENEAU: Quemada a publié chez Larousse un tableau des concordances des Fleurs du mal.

        On découvre qu’Albatros et Divan ne sont utilisés qu’une seule fois.

        LATIS: J’espère que le dernier C.R. porte trace du mot de Queneau: « Il faut canaliser nos débordements intimes vers la revue du Collège ». L’OuLiPo qui est l’aile marchande du Collège sera représenté dans le premier numéro nouvelle formule, j’aimerais que cette collaboration soit régulière.

        R. QUENEAU: J’ai poursuivi la lecture des C.R. C’est impossible pour Moutton, il ne reste rien. Je pense que la proposition de Latis vient à peint.

        LATIS: Puisque Moutton a du plomb dans l’aile on pourrait prévoir que l’OuLiPo donnerait six pages à la revue pour chaque numéro, c’est-à-dire tous les trimestres. Cela nous obligerait à un travail régulier.

        F. LE LIONNAIS: Régulier, je m’étrangle pardon…

        LATIS: Ce qui n’interdira pas un nouveau numéro spécial de la revue.

        F. LE LIONNAIS: En plus?

        LATIS: En plus.

        F. LE LIONNAIS: Messieurs, l’heure est grave: il faut nous réunir en Assemblée Générale.

        A. BLAVIER: pour le demi-millénaire.

        F. LE LIONNAIS: Un congrès trois jours.

        C. BERGE: A Rome.

        LATIS: On ira voir le Pape, en ne fera rien.

        R. QUENEAU: Je connais un bon hôtel.

        A. BLAVIER: Où ça?

        R. QUENEAU: A Saint-Mandé.

        A. BLAVIER: Pourquoi pas à Queneau. Dans les Flandres, il faut changer six fois de train pour arriver au village intitulé: Queneau.

        LATIS: Vous savez que Queneau est l’infinitif du verbe travailler en hébreu?

        R. QUENEAU:

        1. H. Bazin prépare n livre sur la réforme de l’orthographe, ponctuation nouvelle…
        2. J. Legrand quelque chose sur Bense. Dans Bense, il y a de l’aléatoire mais aussi des choses intéressantes.
        3. Depuis six ans, Effel travaille à un langage utilisant des signes qui ne seraient pas pictographiques, pas tous. Il y a des signes pris aux mathématiques, signes du zodiaque, des signaux routiers, etc… Il en a fait une grammaire. Par exemple les signaux routiers sont, d’après lui, de trois ordres:

        les ronds (verbe) = ce qu’il faut faire;

        les triangulaires (adjectifs) = qualité de la route, verglas… etc;

        les rectangulaires (substantifs) = nomme les choses, villes…

        C’est très intéressant.

        Tout cela pour vous dire que nous devons travailler car il y a des activités parallèles à la nôtre qui se font jour.

        J. QUEVAL: Les Egyptiens n’utilisent pas le verbe avoir. Une traduction d’alexandrin donne ceci:

        « Le riche propriétaire il est nombreux en bœufs,

        La mère de famille elle est nombreuse en œufs. »

        F. LE LIONNAIS: Je sens un frisson nouveau dans la littérature.

        Prochain OuLiPo-basque: 24 septembre.

        Invités: Effel, Faure, Bense.

        Demi-Millénaire: 30, 31 octobre, 1er novembre 1965,

        à Amboisse, ou Chinon (Hôtel St-Hilaire)

        eu?

        Le S.P.

        J.D.

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