Compte-rendu de la réunion du 25 septembre 1961

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25 septembre 1961 OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 8 SEPTEMBRE 1961

(Premier Jour de l’An Pataphysique)

PRESENTS : (dans le sens des aiguilles d’une montre) : Arnaud, Le Lionnais, Latis, Queneau, Duchâteau, Queval, Lescure, Bens.

PRESIDENT : Jean QUEVAL.

Des regrets sont préalablement déroulés à propos du retard du précédent compte-rendu. Quelques remarques sont faites à ce sujet qui ne manquent pas toujours d’à-propos. Exemples :

LESCURE : Il faut laisser au dataire le temps d’élaborer un rapport aussi essentiel.

LATIS : Mais ce rapport est urgent puisqu’il rappelle le travail de chacun !

QUENEAU : Considérons que le Satrape Bens

TOUS : Oh !

QUENEAU : …le dataire Bens est excusable, dans la mesure où cette réunion fut essentielle et maximale. Mais ce retard n’en est pas moins regrettable. Il ne faudrait pas se laisser glisser sur le toboggan de la facilité.

QUEVAL : Je salue l’effort de rhétorique du précédent orateur.

LESCURE : MOI, j’ai corrigé ma contribution au dossier !

BENS : Je crois que l’on a omis de me rendre ma communication…

LATIS : Le dataire chie dans la colle.

BENS : ! ? . . . ? ! ; ! ! ! . . . ? ? ? ; : ; : ; ‘ ! (Poème ponctuatif à la manière de F.L.L.).

LATIS : Remarquons cependant que c’est quand on engueule les gens qu’ils se mettent à travailler.

QUEVAL : Ce que nous venons d’entendre s’inscrit dans le droit-fil de la plupart des orthodoxies.

QUENEAU : Le Président prend son rôle comme dans la totalité des orthodoxies.

LE LIONNAIS : J’ai envoyé au T.S. une carte de Milan, pour le tricentenaire de la fondation de l’OuLiPo. Je propose que le T.S. la communique la prochaine fois.

QUENEAU : Entendu. (Je suis désolé…Je ne croyais pas…etc…)

LATIS : Permettez-moi de présenter à l’assemblée présente ainsi qu’aux membres absents tous mes vœux de bonne année pataphysique.

(Congratulations générales. Chocs de verres. Libations.)

Une bonne définition de la Philosophie est alors donnée par Latis. Elle peut s’énoncer approximativement ainsi :

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Si je t’explique quelque chose que j’ai compris et que tu comprends, ce n’est pas de la

philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que j’ai compris et que tu ne comprends pas, ce n’est pas de la philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que je n’ai pas compris et que tu comprends, ce n’est pas de la philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que je n’ai pas compris et que tu ne comprends pas, c’est de la philosophie.

LE LIONNAIS : Je voulais vous parler des Alexandrins polysémiques. Je n’ai réalisé qu’un seul alexandrin pour l’instant. Mais il est évident que nous pourrons parvenir successivement au distique, au quatrain, au sonnet, à la ballade (alexandrine), à la tragédie, à l’épopée. Le principe est le suivant : composer des vers dont les mots peuvent être pris dans des sens différents (sans modification de leur orthographe : il s’agit donc d’une homonymie parfaite, celle qui peut jouer lors d’une lecture muette). Exemple :

L’HOMME FERME LA PORTE ET BRAVE LA TOURMENTE

Quatre sens possibles :

— un homme résolu tient une femme dans ses bras et, avec courage, la fait souffrir ;

— un homme donne un tour de clé dans une serrure et affronte un orage ;

— un homme résolu tient une femme dans ses bras et affronte un orage ;

— un homme donne un tour de clé dans une serrure et, avec courage, fait souffrir une femme.

QUEVAL : Faut-il placer différemment la ponctuation ?

QUENEAU : Ah, non ! On ne ponctue plus ! D’ailleurs, cela pourrait être un axiome de l’OuLiPo. Quoique, au fond, « on ne ponctue plus », cela frise l’orthodoxie. Cela pourrait être un signe de reconnaissance : « Ponctues-tu ? »

LE LIONNAIS : Je propose les deux solutions extrêmes : « On ne ponctue plus » et « On ne fait que ponctuer ».

QUENEAU : Je voudrais poser une question aux mathématiciens de l’OuLiPo à propos de la loi d’Estoup-Zipf. Je le ferai quand Moles sera parmi nous. En attendant, et toujours à propos de la communication de Le Lionnais, je vous signale une Loi de Zipf (tout seul) :

« Le nombre de significations d’un mot et proportionnel à la racine carrée de sa fréquence. »

LATIS : Cette loi est un truisme, parce que…

(Longue démonstration, impossible à prendre autrement qu’en sténographie. Quand nous aurons un magnétophone, rien de tout cela ne sera perdu. N.S.P.)

QUEVAL (au dataire) : Notez au moins que les infinitifs à grande fréquence et, par conséquent, à significations étendues, sont les verbes faire, etc….

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QUENEAU : Je suis heureux que Latis parle de machines linguistiques.

LATIS (après un temps) : Tiens, je viens de faire un alexandrin comme le Régent : à partir du célèbre :

(MIEL) (DOUX)

ET LA GRECE MA MERE OU LE CIEL EST SI MOU

j’écris :

ET L’AGRES CE MAT MERDRE HOULE CIEL ET SIMOUN.

LE LIONNAIS : La parole ! Aurai-je enfin la parole !

(Il la prend.)

LE LIONNAIS : Je suis désolé, mais l’alexandrin polysémique doit être également monomorphique. Sinon, il s’agit simplement d’holorimes, dont plusieurs exemples vous sont connus :

GAL AMANT DE LA REINE ALLA TOUR MAGNANIME

GALAMMENT DE L’ARENE A LA TOUR MAGNE A NIMES

Je vous signale, à ce propos, que ce distique n’est pas de Hugo, comme on le prétend. (Mais de qui ? N.S.P.)

Autres exemples cités :

PAR LES BOIS DU DJINN OU S’ENTASSE DE L’EFFROI

PARLE ET BOIS DU GIN OU CENT TASSES DE LAIT FROID (Hugo)

DANS CES MEUBLES LAQUÉS, RIDEAUX ET DAIS MOROSES,

OU, DURE, EVE D’EFFORTS SA LANGUE IRRITE (ERREUR !)

OU DU REVE DES FORTS ALANGUIS RIT (TERREUR !)

DANSE, AIME, BLEU LAQUAIS, RIS D’OSER DES MOTS ROSES (Cros)

LE LIONNAIS : Notez que, dans les vers holorimes, le second vers doit s’enchaîner avec le premier.

(Conversations particulières.)

LE LIONNAIS : La parole ! Aurai-je la parole ! Le président s’en fout !

(Il la prend)

LE LIONNAIS : Je voulais également vous signaler les deux alexandrins d’Allais, dont l’un contient le minimum de signes typographiques, et l’autre le maximum :

DE 97 A 99

MAINTS CHOUANS GOUAILLEURS BAFRAIENT CHAUDE ANDOUILLE ET

FROID BŒUF

(Il redemande la parole. On lui crie : « Vous n’arrêtez pas de l’avoir ! » Il rétorque : « On me la coupe sans cesse ! » et enchaîne : )

LE LIONNAIS : Estoup était, en 1916, professeur de sténographie. C’est afin de rédiger un traité qu’il a étudié la fréquence des mots et découvert sa loi.

LATIS : C’est une loi de bon sens !

LE LIONNAIS : Pardonnez-moi, mais le bon sens ne suffit pas à expliquer la loi. Le bon sens indique seulement une approximation, soit : la fréquence d’un mot est en raison inverse de sa place dans l’ordre

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des fréquences. (C’est plus qu’une constatation de bon sens : cela découle tout naturellement de la définition des fréquences ; c’est presque une pétition de principe.) Mais ce que le bon sens n’explique pas, c’est que la Loi d’Estoup-Zipf n’est pas approchée, mais rigoureuse.

QUENEAU : Pour éclairer la discussion, permettez-moi de vous énoncer de nouveau cette loi :

LA PLACE D’UN MOT DANS LA LISTE ETABLIE SUIVANT LES FREQUENCES, MULTIPLIEE PAR SA FREQUENCE, EST CONSTANTE.

QUENEAU : J’ai essayé de faire un texte sur lequel la loi ne s’applique pas.

LE LIONNAIS : C’est un travail parfaitement OuLiPien !

QUENEAU : J’ai commencé par prendre les deux possibilités extrêmes : si l’on répète mille fois le même mot, elle s’applique ; si l’on écrit mille mots différents, elle s’applique encore. Or, ce qu’il y a d’extrêmement curieux, c’est qu’il existe des langues où cette loi ne s’applique pas. Ce sont : la poésie hermétique ; le latin du moyen âge ; l’hébreu moderne ; l’espéranto ; le basic english. En revanche (et contre toute attente, peut-être) elle s’applique parfaitement à la langue de Joyce.

BENS : Pour fabriquer des textes où la loi ne s’applique pas, il faudrait savoir pourquoi elle ne s’applique pas aux langues citées ci-dessus.

QUEVAL : C’est curieux qu’elle ne s’applique, ni avec l’espéranto qui est une langue artificielle, ni avec le basic english qui est une langue la plus naturelle du monde.

LE LIONNAIS : Le basic english n’est pas une langue naturelle ! Je voudrais vous signaler qu’il existe deux connaisseurs de cette question, ce sont ceux qui ont amélioré la loi : MM. Benoît MANDELBROT et APOSTEL. M. Mandelbrot ne sait pas parler français, mais il pourrait répondre en partie aux « pourquoi ». L’ennui, c’est que nous risquons de ne pas comprendre…

Jean Lescure lit la version améliorée de sa communication pour le Dossier de l’OuLiPo. On l’approuve.

L’OuLiPo verse une souscription de 50 nouveaux francs pour la revue « TEMPS MELES » qui vient de publier un magnifique numéro consacré à la décade QUENEAU de Cerisy-la-Salle (septembre 1960).

Prochaine réunion  :

MARDI 3 OCTOBRE 1962 Remise au mardi 17 octobre

au restaurant Julien et Petit, rue de l’Université.

(Pas d’ordre du jour communiqué au S. P.)

par délégation,

Gustave Flaubert.

Texte

25 septembre 1961 OUVROIR DE
LITTERATURE
POTENTIELLE

COMPTE-RENDU DE LA REUNION DU 8 SEPTEMBRE 1961

(Premier Jour de l’An Pataphysique)

PRESENTS : (dans le sens des aiguilles d’une montre) : Arnaud, Le Lionnais, Latis, Queneau, Duchâteau, Queval, Lescure, Bens.

PRESIDENT : Jean QUEVAL.

Des regrets sont préalablement déroulés à propos du retard du précédent compte-rendu. Quelques remarques sont faites à ce sujet qui ne manquent pas toujours d’à-propos. Exemples :

LESCURE : Il faut laisser au dataire le temps d’élaborer un rapport aussi essentiel.

LATIS : Mais ce rapport est urgent puisqu’il rappelle le travail de chacun !

QUENEAU : Considérons que le Satrape Bens

TOUS : Oh !

QUENEAU : …le dataire Bens est excusable, dans la mesure où cette réunion fut essentielle et maximale. Mais ce retard n’en est pas moins regrettable. Il ne faudrait pas se laisser glisser sur le toboggan de la facilité.

QUEVAL : Je salue l’effort de rhétorique du précédent orateur.

LESCURE : MOI, j’ai corrigé ma contribution au dossier !

BENS : Je crois que l’on a omis de me rendre ma communication…

LATIS : Le dataire chie dans la colle.

BENS : ! ? . . . ? ! ; ! ! ! . . . ? ? ? ; : ; : ; ‘ ! (Poème ponctuatif à la manière de F.L.L.).

LATIS : Remarquons cependant que c’est quand on engueule les gens qu’ils se mettent à travailler.

QUEVAL : Ce que nous venons d’entendre s’inscrit dans le droit-fil de la plupart des orthodoxies.

QUENEAU : Le Président prend son rôle comme dans la totalité des orthodoxies.

LE LIONNAIS : J’ai envoyé au T.S. une carte de Milan, pour le tricentenaire de la fondation de l’OuLiPo. Je propose que le T.S. la communique la prochaine fois.

QUENEAU : Entendu. (Je suis désolé…Je ne croyais pas…etc…)

LATIS : Permettez-moi de présenter à l’assemblée présente ainsi qu’aux membres absents tous mes vœux de bonne année pataphysique.

(Congratulations générales. Chocs de verres. Libations.)

Une bonne définition de la Philosophie est alors donnée par Latis. Elle peut s’énoncer approximativement ainsi :

Si je t’explique quelque chose que j’ai compris et que tu comprends, ce n’est pas de la

philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que j’ai compris et que tu ne comprends pas, ce n’est pas de la philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que je n’ai pas compris et que tu comprends, ce n’est pas de la philosophie ;

Si je t’explique quelque chose que je n’ai pas compris et que tu ne comprends pas, c’est de la philosophie.

LE LIONNAIS : Je voulais vous parler des Alexandrins polysémiques. Je n’ai réalisé qu’un seul alexandrin pour l’instant. Mais il est évident que nous pourrons parvenir successivement au distique, au quatrain, au sonnet, à la ballade (alexandrine), à la tragédie, à l’épopée. Le principe est le suivant : composer des vers dont les mots peuvent être pris dans des sens différents (sans modification de leur orthographe : il s’agit donc d’une homonymie parfaite, celle qui peut jouer lors d’une lecture muette). Exemple :

L’HOMME FERME LA PORTE ET BRAVE LA TOURMENTE

Quatre sens possibles :

— un homme résolu tient une femme dans ses bras et, avec courage, la fait souffrir ;

— un homme donne un tour de clé dans une serrure et affronte un orage ;

— un homme résolu tient une femme dans ses bras et affronte un orage ;

— un homme donne un tour de clé dans une serrure et, avec courage, fait souffrir une femme.

QUEVAL : Faut-il placer différemment la ponctuation ?

QUENEAU : Ah, non ! On ne ponctue plus ! D’ailleurs, cela pourrait être un axiome de l’OuLiPo. Quoique, au fond, « on ne ponctue plus », cela frise l’orthodoxie. Cela pourrait être un signe de reconnaissance : « Ponctues-tu ? »

LE LIONNAIS : Je propose les deux solutions extrêmes : « On ne ponctue plus » et « On ne fait que ponctuer ».

QUENEAU : Je voudrais poser une question aux mathématiciens de l’OuLiPo à propos de la loi d’Estoup-Zipf. Je le ferai quand Moles sera parmi nous. En attendant, et toujours à propos de la communication de Le Lionnais, je vous signale une Loi de Zipf (tout seul) :

« Le nombre de significations d’un mot et proportionnel à la racine carrée de sa fréquence. »

LATIS : Cette loi est un truisme, parce que…

(Longue démonstration, impossible à prendre autrement qu’en sténographie. Quand nous aurons un magnétophone, rien de tout cela ne sera perdu. N.S.P.)

QUEVAL (au dataire) : Notez au moins que les infinitifs à grande fréquence et, par conséquent, à significations étendues, sont les verbes faire, etc….

QUENEAU : Je suis heureux que Latis parle de machines linguistiques.

LATIS (après un temps) : Tiens, je viens de faire un alexandrin comme le Régent : à partir du célèbre :

(MIEL) (DOUX)

ET LA GRECE MA MERE OU LE CIEL EST SI MOU

j’écris :

ET L’AGRES CE MAT MERDRE HOULE CIEL ET SIMOUN.

LE LIONNAIS : La parole ! Aurai-je enfin la parole !

(Il la prend.)

LE LIONNAIS : Je suis désolé, mais l’alexandrin polysémique doit être également monomorphique. Sinon, il s’agit simplement d’holorimes, dont plusieurs exemples vous sont connus :

GAL AMANT DE LA REINE ALLA TOUR MAGNANIME

GALAMMENT DE L’ARENE A LA TOUR MAGNE A NIMES

Je vous signale, à ce propos, que ce distique n’est pas de Hugo, comme on le prétend. (Mais de qui ? N.S.P.)

Autres exemples cités :

PAR LES BOIS DU DJINN OU S’ENTASSE DE L’EFFROI

PARLE ET BOIS DU GIN OU CENT TASSES DE LAIT FROID (Hugo)

DANS CES MEUBLES LAQUÉS, RIDEAUX ET DAIS MOROSES,

OU, DURE, EVE D’EFFORTS SA LANGUE IRRITE (ERREUR !)

OU DU REVE DES FORTS ALANGUIS RIT (TERREUR !)

DANSE, AIME, BLEU LAQUAIS, RIS D’OSER DES MOTS ROSES (Cros)

LE LIONNAIS : Notez que, dans les vers holorimes, le second vers doit s’enchaîner avec le premier.

(Conversations particulières.)

LE LIONNAIS : La parole ! Aurai-je la parole ! Le président s’en fout !

(Il la prend)

LE LIONNAIS : Je voulais également vous signaler les deux alexandrins d’Allais, dont l’un contient le minimum de signes typographiques, et l’autre le maximum :

DE 97 A 99

MAINTS CHOUANS GOUAILLEURS BAFRAIENT CHAUDE ANDOUILLE ET

FROID BŒUF

(Il redemande la parole. On lui crie : « Vous n’arrêtez pas de l’avoir ! » Il rétorque : « On me la coupe sans cesse ! » et enchaîne : )

LE LIONNAIS : Estoup était, en 1916, professeur de sténographie. C’est afin de rédiger un traité qu’il a étudié la fréquence des mots et découvert sa loi.

LATIS : C’est une loi de bon sens !

LE LIONNAIS : Pardonnez-moi, mais le bon sens ne suffit pas à expliquer la loi. Le bon sens indique seulement une approximation, soit : la fréquence d’un mot est en raison inverse de sa place dans l’ordre

des fréquences. (C’est plus qu’une constatation de bon sens : cela découle tout naturellement de la définition des fréquences ; c’est presque une pétition de principe.) Mais ce que le bon sens n’explique pas, c’est que la Loi d’Estoup-Zipf n’est pas approchée, mais rigoureuse.

QUENEAU : Pour éclairer la discussion, permettez-moi de vous énoncer de nouveau cette loi :

LA PLACE D’UN MOT DANS LA LISTE ETABLIE SUIVANT LES FREQUENCES, MULTIPLIEE PAR SA FREQUENCE, EST CONSTANTE.

QUENEAU : J’ai essayé de faire un texte sur lequel la loi ne s’applique pas.

LE LIONNAIS : C’est un travail parfaitement OuLiPien !

QUENEAU : J’ai commencé par prendre les deux possibilités extrêmes : si l’on répète mille fois le même mot, elle s’applique ; si l’on écrit mille mots différents, elle s’applique encore. Or, ce qu’il y a d’extrêmement curieux, c’est qu’il existe des langues où cette loi ne s’applique pas. Ce sont : la poésie hermétique ; le latin du moyen âge ; l’hébreu moderne ; l’espéranto ; le basic english. En revanche (et contre toute attente, peut-être) elle s’applique parfaitement à la langue de Joyce.

BENS : Pour fabriquer des textes où la loi ne s’applique pas, il faudrait savoir pourquoi elle ne s’applique pas aux langues citées ci-dessus.

QUEVAL : C’est curieux qu’elle ne s’applique, ni avec l’espéranto qui est une langue artificielle, ni avec le basic english qui est une langue la plus naturelle du monde.

LE LIONNAIS : Le basic english n’est pas une langue naturelle ! Je voudrais vous signaler qu’il existe deux connaisseurs de cette question, ce sont ceux qui ont amélioré la loi : MM. Benoît MANDELBROT et APOSTEL. M. Mandelbrot ne sait pas parler français, mais il pourrait répondre en partie aux « pourquoi ». L’ennui, c’est que nous risquons de ne pas comprendre…

Jean Lescure lit la version améliorée de sa communication pour le Dossier de l’OuLiPo. On l’approuve.

L’OuLiPo verse une souscription de 50 nouveaux francs pour la revue « TEMPS MELES » qui vient de publier un magnifique numéro consacré à la décade QUENEAU de Cerisy-la-Salle (septembre 1960).

Prochaine réunion  :

MARDI 3 OCTOBRE 1962 Remise au mardi 17 octobre

au restaurant Julien et Petit, rue de l’Université.

(Pas d’ordre du jour communiqué au S. P.)

par délégation,

Gustave Flaubert.

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